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Le procès du siècle (Denial) de Mick Jackson (UK, USA, 2017)

Le Procès du siècle

Denial[1] de Mick Jackson (Le procès du siècle, 2017) invite, comme d’autres avant lui, à se poser une question : quelle contribution le cinéma peut-il faire à l’histoire, comment contribue-t-il à forger l’histoire elle-même, c’est-à-dire, à porter un regard sur elle[2] ? Le film se base sur un fait historique : le procès qu’intenta David Irving (Timothy Spall), écrivain britannique et « germaniste exceptionnel »[3] à Deborah Lipstadt (Rachel Weisz), professeur à l’université Emory d’Atlanta en Géorgie aux États-Unis, suite à la parution de son livre Denying the Holocaust : the Growing Assault on Truth and Memory. Le livre est paru en 1993. L’auteure dénonçait Irving comme « admirateur d’Hitler qui déforme la réalité pour parvenir à des conclusions injustifiables du point de vue historique » (12’04’’). Le livre consistait à combattre les arguments des négationnistes remettant en cause l’existence de la Shoah. Irving va poursuivre Lipstadt pour diffamation tout en revendiquant la liberté d’expression (qui n’est pas punissable en Angleterre). De plus, la loi, en Angleterre, oblige le défenseur à prouver que le détracteur a tort comme s’en étonne le personnage de Deborah : « Quelqu’un nous accuse de quelque chose et c’est à nous de prouver qu’il a tort ? » (14’16’’). Elle va donc devoir bétonner sa défense pour prouver qu’elle a raison.

D’emblée, dès le début du film, une question est posée par Deborah à ses étudiants d’Emory, à propos de la réalité de la Shoah : « Où est la preuve, quelle est cette preuve ? Quel en est la valeur ? » (3’02’’). Il est crucial d’établir les faits et événements de « l’anéantissement » (une traduction du mot Shoah), de parvenir à les prouver[4]. Plusieurs étonnements se succèdent pour le spectateur. D’abord : ces faits n’ont-ils pas déjà été démontrés avec évidence, ne sont-ils pas suffisamment documentés ? Comment peut-on admettre que tel ou tel point laissé dans l’ombre puisse remettre en question tout l’édifice des événements déjà mis en lumière ? (1h 05’). Car la question des détails afflue : « Pas de trous, pas d’holocauste », titre un journal au beau milieu du procès, à propos d’une discussion sur la présence (ou non) de trous dans le plafond des chambres à gaz (1h 07’11’’).

Ensuite, on s’étonne qu’une question historique soit traitée dans un tribunal. Est-ce au monde juridique de trancher sur la question des faits de la Shoah ? (22’10’’). Et qu’arrive-t-il si les accusés perdent ? Faudrait-il en conclure que : « Cela deviendrait respectable de dire que l’holocauste n’a jamais existé ? » (22’28’’). Il se fait que les négationnistes utilisent les procès en diffamation pour donner publicité à leurs idées, à leurs « croyances idéologiques » comme le dira le juge au verdict (1h 39’04’’). Et l’effort n’est-il pas vain ? On sait que la condamnation d’Irving n’a pas empêché nombre d’universités de par le monde de continuer à l’inviter à exposer ses idées. Malgré qu’elles soient fausses, et qu’elles le soient délibérément ! (1h 18’59’’)

Une autre question se pose, morale cette fois : faut-il appeler des survivants à la barre pour témoigner dans ce genre d’affaire ? « Tout ce que j’ai, c’est ma voix, ma conscience et il faut que je l’écoute », dit Deborah Lipstadt (1h 16’13’’) à ses avocats, qui lui déconseillent d’inviter des témoins au procès. Dans le film, un bras de fer s’installe entre plusieurs consciences : celle des victimes qui réclament reconnaissance, celle des avocats qui veulent avant tout piéger Irving et gagner le procès, celle des médias qui « comptent les points », celle du juge, qui se tait dans toutes les langues avant de motiver son avis, puis celle de Deborah, qui se débat, comme le spectateur sans doute, au milieu de toutes ces voix. Deborah, hyper sensible pourtant au sort des victimes se voit contrainte de poser « un acte d’abnégation » en se résignant à ne pas demander finalement la comparution de témoins de l’Holocauste. Les avocats expliquent en stratèges qu’il ne faudrait pas que le sentiment ou l’émotion interviennent, qui joueraient en défaveur de l’issue du procès. De plus, le fait d’appeler à la barre des témoins de la Shoah prévient le risque de confusions dans l’établissement des faits si on permet à Irving de leur poser des questions (1h 06’21’’), sans compter la situation immorale qu’un négationniste interroge un(e) survivant(e) (23’57’’)[5]. Le film montre aussi que les victimes vivent difficilement le fait de ne pouvoir témoigner : beaucoup estiment de leur devoir de faire entendre la voix des disparus (57’33’’). Deborah leur dira : « la voix de la souffrance sera entendue. Je vous promets ça » (56’05’’). Tout tient en ceci : la vérité historique doit continuer à être travaillée, recherchée, proclamée et entendue.

Le film évoque deux fois directement les victimes disparues sur le site d’Auschwitz même. D’abord par des cris, très discrets mêlés à la musique du film (36’), puis à travers des figures fantomatiques qui descendent l’escalier vers la salle de déshabillage, avant le gazage, en surimpression sur les ruines du site, tandis que le personnage de Deborah fait une prière (40’). C’est ici qu’apparaît le plus explicitement l’élément religieux. Sur le site du massacre, Deborah prie : « Dieu plein de miséricorde qui vit au plus haut des cieux, offre-nous un paisible repos sur les ailes de ta présence divine, dans ton univers béni… ». Elle est rejointe par le professeur Van Pelt qui complète avec elle : « …de pureté et de gloire dont la lumière éblouit le ciel » (40’34’’). Le professeur met alors sa kippa et chante une prière en hébreu avec elle. Les images de la scène suivante commencent sur une église à Cracovie, ville à une soixantaine de km du camp de concentration.

Pendant le procès, les victimes sont à nouveau explicitement mentionnées. Il s’agit du moment où il s’agit d’expliquer le pourquoi de la présence d’un judas sur la porte de la chambre à gaz, dont le verre était épais de 8mm et protégé par un grillage de l’intérieur de la chambre (1h 10’ 15’’). Le plan ne dure qu’une à deux secondes, il est imaginé par Deborah : les gens, nus et affolés qui se débattent et crient (pas d’autres sons qu’une sorte de souffle). Enfin, le film se termine par un lent travelling, puis une plongée de la caméra, de nuit, sur le site de chambre de la chambre à gaz d’Auschwitz, près du four crématoire n°2, une plongée qui descend et s’introduit entre les interstices des pierres du plafond écroulé, comme pour descendre en-dessous des pierres et rejoindre l’obscurité de la mort dans laquelle les victimes ont été jetées avec violence. En faisant cela, le réalisateur montre que l’effondrement du toit des chambres à gaz en ont fait aussi des pierres tombales[6].

Irving veut faire du procès celui de la Shoah elle-même (ce qui apparaît clairement à 1h 04’), et tente d’entraîner ses adversaires vers ce qui pourrait remettre l’événement en question. Les avocats, eux, se concentrent sur la manipulation des données historiques que fait Irving, son évolution progressive vers le négationnisme depuis ses premiers écrits, le caractère antisémite et raciste de ses discours, son orientation politique pro-nazie foncière, visible dans son journal. Le but de la manœuvre est de le faire échouer non sur le plan moral, mais sur le plan scientifique, détruisant au passage l’argumentation idéologique. Justement, Irving, « autodidacte », n’est pas historien de métier et n’a pas les qualités scientifiques requises pour être crédible. La première attaque de la défense consiste donc à dénier le titre d’historien à Irving et à affirmer qu’il est un « falsificateur de l’histoire », c’est-à-dire un « menteur » (53’04’’). Plus loin : « vous pourrissez l’histoire » dira Richard Rampton (Tom Wilkinson), un des avocats de la défense (1h 12’29’’).

On le voit aussi dès les premières images : le procès fut très médiatisé. Tout au long du film on peut constater l’omniprésence de la télévision par les extraits de transmissions télévisées de conférences de David Irving. Mais les êtres humains d’aujourd’hui vivent davantage dans le flottement. Sans nier l’horreur des événements, malgré le lobbying des négationnistes, ils deviennent insensibles aux événements passés. C’est justement en regardant la télévision que le compagnon d’une des avocates dit clairement : « Holocauste, Holocauste, il n’y a pas que ça non ? Est-ce qu’ils [les survivants] vont finir par abandonner un jour ? » (1h 21’). Et on sait que c’est après la série Holocauste que le négationnisme a pris un nouvel élan. D’où l’intérêt des négationnistes pour passer à la télévision.

Par ailleurs, comment l’image influence-t-elle le verdict ? L’image pose ce problème : on lui accorde d’emblée une vérité en oubliant qu’elle aussi doit être remise dans son contexte et étudiée. Il ne s’agit pas simplement de s’inquiéter du « politiquement correct » ou de l’audience que quelqu’un peut avoir auprès du public grâce à des arguments à l’emporte-pièce (bien que l’opinion publique en Angleterre est importante car le public est un autre juge en la matière, du fait qu’il n’y a pas de jury pour déclarer la sentence) ou des postures séductrices pour décrédibiliser l’adversaire (9’10’’). Comment, ensuite, accepter que la vérité ne se découvre que progressivement (alors qu’on en sait déjà tant), tandis que le journal du soir demande des réponses immédiates ? La stratégie est-elle l’élément clé qui fera gagner le procès, ou le talent des avocats ? Anthony Julius (Andrew Scott) dira à ce propos : « Déborah, il n’y a pas de stratégie. On va le mettre en boîte avec la vérité » (52’57’’).

C’est autour de la question de la vérité donc que le film est le plus intéressant. Commençons par la question que pose le juge, Sir Charles Gray (Alex Jennings) à Richard Rampton :

– Si un homme est antisémite et extrémiste, il est parfaitement capable d’être honnêtement antisémite, non ? Il a ses points de vue et il exprime ses points de vue parce que ce sont bien sûr ses points de vue ?

– C’est exact.

– Et alors il semble bien, si l’on s’y arrête un peu, que l’antisémitisme soit une allégation totalement distincte et qu’elle ait très peu d’incidence sur l’accusation plus grave d’avoir manipulé des preuves ?

– Non, tous les efforts de la défense tendent à prouver que les deux sont reliés.

– Mais il pourrait très bien croire en ce qu’il dit, il le pourrait, c’est pour cela que c’est tellement important (1h 30’52’’).

Le dialogue plonge tout le monde dans l’incrédulité. En d’autres termes, comme le dira plus tard Déborah Lipstadt : « On ne peut accuser les gens de mentir s’ils croient vraiment en ce qu’ils racontent » (1h 32’37’’). Un des enjeux contemporains autour de la vérité, est ici bien posé : Non seulement, il est important d’établir « les faits » à travers des preuves si possible, mais il faut aussi s’interroger sur leur capacité à interpeller la conscience. Les négationnistes nient qu’il y ait eu génocide du peuple juif. Mais concernant le génocide des chrétiens arméniens, grecs pontiques et araméens (1915-11917, voire 1923) on constate le même déni auprès d’autorités publiques, d’une partie de la population en Turquie contemporaine.

Comment éviter qu’un fait ne soit occulté, les preuves détruites, ou au contraire, banalisé, à force d’en parler ? Puisqu’il est difficile pour un esprit contemporain de concevoir, d’admettre, de comprendre même la Shoah, et que pour ce faire, il faille passer par un processus de prise de conscience qui intègre mémoire et histoire, étude des totalitarismes et des pensées politiques, comment éviter le désintérêt et la banalisation qui sert de terreau aux négationnistes ? Certains aimeraient penser que les horreurs des camps n’ont pas eu lieu, car effectivement, il s’agit d’une pensée lourde à porter, qui oblige à la réflexion, qui remet en question l’humanisme des Lumières. La Shoah et ses images insoutenables montrent une réalité de l’homme épouvantable, en plein cœur de la modernité. Les négationnistes exploitent l’abîme entre les faits et leurs représentations, mais aussi la difficulté d’appréhender intellectuellement la responsabilité morale. Ils proposent alors une histoire alternative, fictive, séduisante pour qui a vaguement entendu parler de la Shoah sans pénétrer dans la profondeur de l’histoire, des témoignages et des événements. Ils sont fascinés par la figure d’Hitler et les thèses du fascisme (Irving se prétendait spécialiste d’Hitler et non de la Shoah, et refusait d’admettre qu’Hitler avait bien décidé de la « Solution finale »)[7].

Mais revenons encore au problème de la vérité. La Shoah est-elle affaire d’opinions, ou de faits, de preuves et de vérité, et quelle différence entre les deux ? (7’30’’). En condamnant des opinions, est-ce qu’on ne condamne pas aussi la liberté d’expression ? Déborah tente d’éclairer la question lors de la conférence de presse qui suit le procès, à la fin du film :

"Il y a plusieurs personnes qui pensent que ce procès menace la liberté d’expression. Je n’accepte pas ça. Jamais je n’attaquerai la liberté d’expression. Bien au contraire, je l’ai même défendue contre les personnes qui voulaient en abuser. La liberté d’expression signifie que vous pouvez dire ce que vous voulez mais vous ne pouvez pas mentir et croire que vous n’en serez jamais tenu responsable. On a tous différents genres d’opinion, il y a nombre d’événements que nous décrivons le mieux possible : l’esclavage a existé, la peste noire aussi a existé, la terre est ronde, les glaces fondent de plus en plus et Elvis n’est pas vivant (1h 41’50’’)".

Derrière elle, un vitrail représente saint Georges terrassant le dragon. Ce discours, qui reprend sans doute une partie de ce qu’elle a réellement prononcé (le scénariste, David Hare a pris soin de construire le film autour des paroles authentiques du procès) a une couleur particulière tandis que la presse, avant et après l’élection de Donald Trump s’est retrouvée face au problème des « fake news », avec la difficulté d’en relayer volontairement ou non, ou d’en être accusée à tort... Ce problème rejoint ce que nous disions plus haut : affirmer haut et fort ce que le public aimerait entendre (Elvis est toujours vivant) est tentant plutôt que de démontrer la réalité et la vérité des faits. Si le public est peu regardant, il peut se forger une opinion basée sur des erreurs, voire se laisser manipuler par des contre-vérités ou des vérités partielles.

"Face à la progression du négationnisme dans l’ère de la post-vérité, le film de Mick Jackson présente un intérêt pédagogique majeur. Il pose des questions essentielles sur l’histoire, l’historiographie, l’antisémitisme, le néo-nazisme, sur les enjeux de mémoire et le rôle de la justice. Depuis sa sortie, il est devenu aux Etats-Unis un outil auprès des professeurs d’histoire qui souhaitent répondre aux doutes de certains élèves, en leur permettant de faire la différence entre les faits historiques et les manipulations négationnistes mélangées à un agenda politico-idéologique concernant le temps présent. Malgré les quelques réserves que nous avons apportées, nous confirmons la profonde utilité sociale d’un film comme Le Procès du siècle"[8].

Denial est un exemple éloquent du combat pour la vérité, pour le respect de l’histoire et la sauvegarde de la mémoire. Cette attitude implique la défense de la dignité humaine, même au-delà de la mort, en particulier lorsqu’elle a été bafouée par une injustice grave. Il s’agit de mettre en évidence un principe supérieur, qui commande le respect de la vie humaine, au-delà des politiques engagées nationalement, en résistant aux totalitarismes et dictatures, qui, justement, dénient la vie humaine en absolutisant leurs théories. Le phénomène de la Shoah perdure dans le temps, même si les camps ne tuent plus personne : ni en ce qui concerne les principes qui ont pu le voir exister, toujours soutenus par des groupes extrémistes, ni dans le retentissement et le bouleversement de la culture qu’elle a occasionnée, ni enfin dans la mémoire des victimes, sans sépulture. La Shoah reste indépassable comme symbole de ce qu’une partie de l’humanité a fait subir à une autre et rejoint la longue liste des exterminations, génocides, massacres qui ont eu lieu dans l’histoire. Par son ampleur, son retentissement, par les motifs qui l’ont fait exister, elle interpelle tous ceux qui écoutent leur conscience, qui ne se voilent pas la face et qui regardent l’humanité telle qu’elle est. Pour l’avocat de la défense, Auschwitz ne peut être une simple cause (1h 15’41’’). La Shoah a changé l’humanité pour toujours : il y a un avant et un après. L’homme d’avant n’existe plus. Et certains ne peuvent l’admettre.

Philosophiquement et théologiquement, la Shoah pousse à penser autrement l’homme. On connaît la tentative de Hans Jonas : « Le Concept de Dieu après Auschwitz », mais ici – à travers le procès, puis le film Denial – c’est la manière dont la question de la vérité est interrogée qui importe au moment où une culture de l’image tend à remplacer celle du livre. Le film met en évidence le fait que « toutes les opinions ne se valent pas ». Les opinions doivent sans cesse être vérifiées dans un contexte où l’idée de vérité se fragilise, par crainte d’un retour des idéologies, de la pensée unique, ou d’une quelconque idéologie religieuse, mais c’est justement cette posture qui fait le lit des extrémistes. Pour avoir trop laissé dans l’ombre les questions fondamentales de la vie humaine, au profit de l’efficacité économique, du progrès technologique et scientifique, un certain relativisme ambiant contribue à désagréger la conscience morale et sape l’idée qu’il y a une différence entre opinion et vérité (au-delà du positivisme scientifique). Un anti-intellectualisme largement répandu dans différentes couches de la population occidentale empêche l’approfondissement des questions essentielles et nourrit des visions du monde et de l’homme sans nuances, où l’on prend finalement ses désirs pour la réalité.

Commentant le film de Claude Lanzmann, intitulé justement Shoah, Éric Marty écrit :

"Le message essentiel, obstiné, permanent de Shoah qui imprègne de son intensité chaque image du film est le suivant : l’événement de l’extermination n’est pas clos, il dure encore et toujours, ici et maintenant, il nous est toujours et encore contemporain. (…) un événement peut retentir dans toute sa présence bien après qu’il n’ait plus d’apparence dans la réalité vécue par la communauté humaine qu’on appelle l’histoire"[9].

Cet événement n’a rien à voir avec une sorte de mythe ou de fatalité, comme celle d’un « éternel retour », un « toujours déjà là » qui concernerait la destinée du peuple juif, comme a voulu l’expliquer Heidegger, développe Éric Marty, mais traduit plutôt la soudaine émergence, furieuse, de la violence, son « interminable manifestation, à l’interminable généalogie de son effraction dans le monde » qui se manifeste par « une persistance énigmatique »[10] et qui entraîne des populations entières, parfois dans le chaos, surtout depuis que la modernité s’est imposée au monde comme unique interprétation du réel (et qui a tendance à faire de ces interprétations des idéologies).

Abbé Jean-Luc Maroy


[1] Le mot peut être traduit de plusieurs manières : « déni », par exemple. Mais le film traduit « négationniste » par « denier » (en anglais) (52’06’’). « Denial » peut donc être traduit par : « Négationnisme ». C’est le procès du négationnisme qui est ici souligné. David Irving, on le verra, déniera son attitude négationniste, raciste, antisémite, pourtant manifeste dans ses écrits et autres prises de position. Denial s’applique donc aussi à l’aveuglement, à la contradiction interne qui habite les négationnistes face à leur propre discours.

[2] Sur le rapport entre histoire et cinéma, voir l’article d’Antoine de BAECQUE, Les formes cinématographiques de l’histoire dans 1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze [En ligne], n°51 (2007), p. 9-21. URL : 1895.revues.org/1312 (consulté le 31/07/2017) ; Bruno RAMIREZ, L’histoire à l’écran (Champ libre), Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2014.

[3] François SERGENT, David Irving négationniste, contre-attaque. L’historien anglais traîne en justice une universitaire américaine pour diffamation, Libération, 18 janvier 2000. URL : liberation.fr/planete/2000/01/18/david-irving-negationniste-contre-attaque-l-historien-anglais-traine-en-justice-une-universitaire-am_314146 (consulté le 31/07/2017).

[4] À la différence d’un film sur un sujet religieux, dont on peut logiquement attendre qu’il pose la question de la foi (mais tout dépend des options du réalisateur), donc de ce qui n’est pas démontrable dans un récit. On discutera de ceci dans le film suivant, Risen.

[5] Stéphanie COUROUBLE, « Le procès du siècle » : l’histoire peut-elle être jugée ? URL : nonfiction.fr/article-8921-_le_proces_du_siecle___lhistoire_peut_elle_etre_jugee_.htm (consulté le 31/07/2017). L’article de Mme Courouble met aussi en évidence certains aspects du procès qui n’ont pas trouvé place dans le film, ainsi qu’une erreur à propos de la condamnation du rapport Leuchter (qui a eu lieu deux ans après sa parution contrairement à l’affirmation de l’avocat plaideur, Richard Rampton) (voir 38’ 47’’du film).

[6] Voir Jean-Luc MAROY, Théologie et cinéma, p. 336-337.

[7] Il faut ici souligner un point : l’image et le ton du dictateur subjuguent, car il se met lui aussi (comme le négationniste) au-dessus de l’histoire, il prend la place de Dieu, en s’arrogeant pouvoir de vie et de mort sur les hommes, en muselant la justice, la liberté de la presse, etc. Le dictateur se permet de juger l’histoire, parce qu’il prétend être et faire l’histoire, lui, seul. Pourquoi les foules en viennent-elles aux dictateurs ? Parce qu’elles ont besoin d’un « dieu » qui guide l’histoire et les rassure, elles ont besoin de simplification devant les nuances complexes de la réalité et la dispute des opinions. La frustration et le ressentiment est un autre facteur à prendre en compte, comme celle créée par la Première Guerre mondiale. Ce « dieu », le peuple semble le reconnaître dans tel homme, qui, parce qu’il n’est justement pas Dieu, devient une idole (et incarne sans doute le désir secret de tout homme d’être au-dessus de l’histoire, de la juger). Une idole qui a le don d’aveugler et de mettre à sa suite tous ceux qui n’ont pas rompu avec le désir de changer l’histoire par la violence. Tout ceci n’est pas sans évoquer le mot fameux de Nietzsche : Dieu est mort : maintenant nous voulons que le Surhumain vive dans Ainsi parle Zarathoustra. La récupération et la simplification des idées de Nietzsche ont fait le lit de la pensée nazie, comme l’explique l’historien Zeev Sternhell. Zeev STERNHELL, Les anti-Lumières. Du XVIIIe s. à la guerre froide (L’espace de politique), Paris, Fayard, 2006.

[8] Stéphanie COUROUBLE, Le procès du siècle : l’histoire peut-elle être jugée ? URL : nonfiction.fr/article-8921-_le_proces_du_siecle___lhistoire_peut_elle_etre_jugee_.htm (consulté le 31/07/2017).

[9] Éric MARTY, L’événement Shoah dans Marc GOLDSCHMIT, Éric MARTY, Penser au cinéma (Rue de la Sorbonne), Paris, Hermann, 2015, p. 70-71.

[10] Ibid., p. 80.

 

 

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