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Polonais naturalisé canadien, Ivan Reitman est un réalisateur
de comédies cultes à la polymorphie intrigante ; fan de science
fiction, il a produit Frissons et Rage de David Cronenberg, ainsi
que le film d'animation Heavy Metal. Courant depuis 1984 après
son plus grand succès, SOS Fantômes, il nous revient aujourd'hui
avec un film en plusieurs points similaire, Evolution,
permettant avant tout à David Duchovny et Julianne Moore de se faire
plaisir dans un univers délicieusement loufoque. Rencontre avec un maître
d'oeuvre ravi de renouer avec ses premières amours.

Il y a souvent dans vos films une insistance très forte sur les fonctions
corporelles, des choses assez scatologiques. En fait, on pourrait dire que vos
films sont les pendants comiques des films de votre ami David Cronenberg, dont
vous avez produit Frissons et Rage.

David Cronenberg
est un de mes grands amis, et qui plus est un grand réalisateur. Il est
effectif que ses films traitent souvent des fonctions corporelles, et souvent
d'une manière très sérieuse et effrayante. Mon vocabulaire
filmique se situe diamétralement à l'opposé du sien, du
côté de la comédie. Mais c'est effectivement intéressant
de voir que même si nous avons emprunté des chemins très
différents, il y a certains points en commun entre nous, comme cette
insistance sur tout ce qui a trait au corps !

Comment êtes-vous devenu le fan de science fiction que vous êtes?

J'ai grandi à Toronto, et pendant mon enfance, tous les samedis, j'allais
au cinéma du coin pour voir des films de science fiction ou d'horreur.
Et j'adorais les films des années 50/60, comme La Guerre des Mondes,
Le Météore de la Nuit, Le Blob... Je pense que mon
film est aussi un hommage sincère à ce genre de films. Mon intérêt
pour la science fiction date sûrement de cette époque, et en fait,
outre les SOS Fantômes, j'ai réalisé un certain nombre
de films qui ne sont pas considérés comme de la science fiction
mais qui s'y apparentent à certains égards, comme Jumeaux,
Junior ou même Dave.

Pourquoi, en tant que réalisateur, avez-vous décidé
de subvertir le genre de la science fiction par la comédie?

Je n'ai pas l'impression de faire des films subversifs. En fait, je traite
la science fiction avec beaucoup de sérieux, y compris dans Evolution.
Il y a dans ce film un certain nombre de scènes qui font peur et qui
font vraiment sursauter les spectateurs [je confirme, ndlr]. Mais mon langage
de prédilection est la comédie, j'ai l'impression qu'on peut faire
passer plus facilement ce qu'on a à dire au travers de la comédie.
C'est en tout cas la façon dont j'aime raconter des histoires.

Le film Evolution s'appuie-t-il sur des théories scientifiques
sérieuses?

Oui, il s'agit d'une théorie assez courue dans le milieu scientifique,
dite de la "panspermie". Selon cette théorie, un météorite
contenant les germes de la vie telle que nous la connaissons se serait écrasé
sur la terre, il y a quelques 4 milliards d'années.

Pourquoi, dans le film, avez-vous décidé d'arrêter le
stade de l'évolution à l'anthropoïde bleu?

En fait, le scénario allait plus loin, il y avait bel et bien une créature
humanoïde. Mais cette option se révélait finalement moins
intéressante que celle de l'armée qui, en utilisant le napalm,
crée involontairement une gigantesque créature.

Avant de faire Evolution, vous étiez attaché au projet
d'une nouveau Panthère Rose avec Kevin Spacey. Même si ce
film ne s'est pas fait, on a vraiment l'impression, en voyant Julianne Moore
dans Evolution, d'avoir affaire à un inspecteur Clouseau au féminin...

En fait, je travaille actuellement à un nouveau Panthère Rose
avec Mike Myers. En ce qui concerne Evolution, Julianne Moore avait
envie, après un certain nombre de rôles très sérieux,
de s'essayer à la comédie. Elle a lu le scénario, nous
nous sommes rencontrés, et, à ma grande surprise, elle m'a dit:
"J'adore ce rôle, mais je trouve que mon personnage ne tombe pas
assez!" Dans les premières moutures du scénario, le personnage
joué par Julianne Moore ne faisait preuve d'aucune maladresse particulière.
Elle m'a donc demandé si l'on pouvait remédier à ça!
Je me souviens lui avoir dit: "Tu sais, Julianne, j'ai déjà
fait ça avec Emma Thompson dans Junior, donc j'ai un peu peur
d'être catalogué comme le réalisateur qui prend les meilleurs
actrices du monde et en fait des potiches!" (rires) Mais elle a insisté
en disant qu'elle aurait de toute façon l'air intelligente! (rires) Moi,
je la voulais vraiment dans ce film, je pense qu'elle est une actrice formidable,
alors je suis finalement très content d'avoir accédé à
ses désirs! (rires)

Avec l'idée de Head & Shoulders, vous avez dû réaliser
un "product placement" très fructueux, non?

D'abord, il faut préciser que ce n'est pas du tout un "product
placement". Personne ne nous a payés pour mettre Heads & Shoulders
dans le film! En fait, nous avons même dû acheter toutes les bouteilles
de shampoing nous-mêmes! (rires)

Alors, pourquoi Head & Shoulders et pas un autre produit?

Vous savez, il y a dans ce genre de films une véritable tradition de
la "solution magique", celle qui se trouve en face de tout le monde
mais que les héros ne découvrent qu'au dernier moment. Nous avons
donc choisi Head & Shoulders parce que ce shampoing contient du sélénium,
qui est aux aliens du film ce que l'arsenic est aux humains !

Le dernier monstre du film est-il, par sa forme, un hommage au Blob ?

C'est vrai que Le Blob [très sympathique film d'Irwin S. Yeaworth
avec Steve McQueen, ndlr] m'a beaucoup impressionné quand j'étais
jeune, mais je n'y pensais pas forcément quand nous avons créé
la créature finale d'Evolution, même si sa consistance peut
effectivement rappeler celle du Blob. En fait, nous voulions juste créer
une créature qui soit vraiment différente ce tout ce qui avait
été déjà vu dans le film.

Quelle est, au bout du compte et après tant de films comiques, votre
philosophie de la vie?

Eh bien, puisque je dois rester ici bas, sur cette planète peu avare
de catastrophes et de misère, j'essaie de vivre une existence pleine
de joie et d'apporter aussi de la joie et du rire autour de moi.

Propos et images recueillis par Robin
Gatto