A la vue de Fast and Furious, film d’action spectaculaire se déroulant dans le milieu des courses automobiles clandestines, on pourrait croire que Rob Cohen est un homme pressé. Mais il a tout de même pris le temps de parler à Philip Bergson de son film et de sa carrière en général.

Qu'est-ce qui vous a amené à travailler dans l'industrie du cinéma?

"En fait, j'ai fait des études d'anthropologie à Harvard et je pensais devenir ethnographe, j'utilisais une caméra pour filmer des tribus sauvages des montagnes de Guinée mais je m'amusais plus avec la caméra qu'avec l'anthropologie et j' ai commencé à faire des petits films. Un film devait être tourné à Boston et alors je me suis assis devant la porte du réalisateur jusqu'à ce qu'il me donne un job d'assistant réalisateur, et bien que c'était un film pour la télévision, j'ai été sous le charme! Je me suis rendu compte que j'aimais créer des histoire shamaniques et des mythes culturels plutôt que de les rapporter."

Etait-ce une bonne préparation à la jungle qu'est Hollywood?

Je pourrais prendre du recul et avoir cette étrange objectivité anthropologique, et dire"C'est une tribu bizarre, ils ont leurs propres coutumes, language et codes, c'est un endroit très vicieux et compétitif..."Mais si on comprend les moeurs d' un lieu,on peut y survivre."

A l'époque vous aviez des connaissances très littéraire du business dans la réalisation de film?

C'était un job merveilleux pour n'importe quel débutant - quand on lit 100, 200 ou 300 scripts à la suite on se rend vite compte de ce qui fonctionne, de ce qui ne fonctionne pas, quand quelque chose est innovateur, quand il y a trop de clichés, de ce qui est bien écrit mais inintéressant et de ce qui est mal écrit mais qui est une bonne idée. Pendant mes premières six semaines en tant que lecteur, j'ai découvert The Sting and Paper Moon et je faisais partie des jeunes qui couraient dans les couloirs de l'agence pour laquelle je travaillais en annonçant que c'était de grand scénarios américains, et ça m'a donné confiance de me dire que peut-être je savais ce qui fonctionnait.

Comment vous êtes vous rapprochez de la production ?

Quand j' ai arrêté d'être lecteur, je suis devenu le directeur des téléfilms à la 20th Century-Fox alors que les téléfilms étaient nouveaux. J'ai commencé à faire des films essentiellement d'exploitation B, mais les besoins voraces de la télévision pour des produits m'ont propulsé à faire mes quatres premiers films en tant que réalisateur, et j'avais seulement 23 ans.

Vous vous êtes alors tournez vers la musique?

Grâce à Barry Diller qui était le directeur de ABC, j'ai rencontré Berry Gordy, le dieu mythique du Motown, nous nous sommes tout de suite bien entendu et il m'a demandé de venir à la tête de la nouvelle division cinématographique du Motown. J'y ai développé et produit Mahogany, The bingo Long Travelling All-Stars, The Wiz, Thank God It's Friday et The Scott Joplin Story, et enfin j'ai commencé à réaliser.

Dans votre premier film vous avez choisi un sujet assez autobiographique?

C'étais à propos de trois jeunes qui allaient à Harvard, comme je l'ai fait, à la fin des années 60 et au début des années 70, qui devaient faire face au Vietnam et au mouvement contre la guerre.C'était une sorte de Jules et Jim vont à Harvard; Karen Allen, Shelley Long et Danny Stern ont fait leurs débuts et le grand Brad Davis en faisait aussi partie. C'était très excitant; avec de jeunes acteurs; très controversé car cela impliquait un ménage à trois, mais j'en suis toujours très fier car il abordait cette époque d'une manière très pratique et il a offensé beaucoup de gens ce qui est bien pour ce faire remarquer. Sa première européenne a eu lieu au Festival du Film de Oxford.

Cependant vos films les plus récents sont de vrais films, spectaculaires et pleins d'action...

Chaque carrière voit sa route prendre une nouvelle direction- on peut faire des films à petits budgets et plus personnel mais c'est un engagement à vie et Hollywood ne vous amène pas à faire ça. Je suis une créature d'Hollywood, je voulais faire des films qui sont vraiment divertissants et aussi - en tout cas quelques personnes le pensent!- assez chaud, mais qui ont tout de même une référence morale et mythique; comme dans The Fast and the Furious. Je voulais capturer la sous-culture du monde des courses de voiture illégales- comme un anthropologue- et d'observer l'honneur entre amis, la notion du karma, et en même temps de créer un cocktail vertigineux d'adrénaline et de testostérone!

Est-ce que le référence cinématographique est celle d'un Western?

J'ai toujours été impressionné par le fait que tant de voitures aient des noms de chevaux comme la Ford Mustang et la Palomino. Il est évident que la voiture, comme le cheval, est un symbole de liberté et la manière dont se passent les détournements dans le film, avec les Civics qui encerclent les 18roues, est un peu comme Stagecoach de John Ford. Dans les rue de Los Angeles, c'est redevenu le Wild West et les conducteurs très rapides sont comme des bandits armés - mais je voulais que le public soit à la place du conducteur et qu'il ressente ce que ça fait d'être aussi libre et aussi rapide.

Vous avez réuni une distribution puissante et compétente...

Je ne voulais pas que le film se rapporte seulement à des voitures qui vont vite et au sexe. Le film qui m'a le plus influencé est La Fureur de Vivre et je voulais avoir les meilleurs acteurs du moment pour faire ressortir leurs sentiments de frustration et d'impatience - la dynamique des voitures aide à mieux définir leurs espoirs et leurs rêves.

Est-ce que vous vous attendiez à ce que ça soit un tel succès?

Nous avons gagné 142 millions de dollars en 10 semaines aux Etats-Unis et personne ne s'y attendait, moi y compris! Il n'était pas sensé sortir pendant l'été, mais les gens avaient l'air de vraiment l'adorer. C'est aux autres de juger s'il est aussi durable que le classique de Kazan, mais pour cette été, je sais que j'ai accompli plus que ce j'avais prévu et ça n'arrive pas souvent quand on fait des films!

Phillip Bergson