Cinéaste d'origine macédonienne, Milcho Manchevski a tourné Dust dans les Balkans et bien que le tournage fut interrompu par la guerre au Kosovo, il n'y a dans le film aucune allusion à ce conflit. Selon le réalisateur, Dust est avant tout une parodie de révolution et aurait pu se passer aussi en Haïti et au Mexique. Et même s'il reconnaît qu'il est du devoir d'un artiste de refléter dans son œuvre les événements politiques de son temps, il tient à préciser que Dust " n'est pas CNN ".

En dehors de tous ces personnages de militaires et de révolutionnaires dans Dust, il y a ce merveilleux personnage Angela…

Mon préféré.

Elle est née dans toute cette misère. Personne n'a évoqué ce personnage hier en conférence de presse, pouvez-vous nous en dire un peu plus ? Comment avez-vous Rosemary Murphy?

Par un casting. C'était un moment merveilleux. Elle était le personnage. Rosemary ne ressemble en rien à Angela dans la vie, c'est vraiment son talent d'actrice. L'apparence, le nom, cela ne compte pas, c'est le talent qui importe. C'est ce talent qui lui permet d'habiter un personnage et de l'emmener là où le scénariste ne l'attendait pas. Pour moi, Angela est le personnage le plus fort et le plus intéressant du film. Elle supporte Luke et Neda, elle supporte leur brutalité avec tout cet amour pour son prochain. Elle aide Edge et le guide vers le droit chemin.

La façon dont Edge arrive dans cette famille et s'y intègre est très émouvante. Où vont-ils à la fin avec l'avion et les cendres d'Angela ?

Cela n'a pas d'importance. Je pense qu'ils vont dans l'endroit où elle est né mais je pense qu'elle n'a jamais dit à Edge où elle est né. Son histoire est en quelque sorte une métaphore de la compassion, de l'amour et du partage. Et Edge apprend tout cela. Edge est un personnage beaucoup plus dur, mais il est plus sensible à la fin.

Pensez-vous qu'il y ait un avenir pour le cinéma d'art et essais ?

Oui, s'il ne se met pas dans un ghetto, ce qui est malheureusement le cas aux Etats Unis, c'est devenu un genre à part… Je pense qu'en essayant de traiter toujours des mêmes thèmes de la même manière, est ennuyeuse pour tout le monde. C'est très mauvais pour le cinéma d'art et essai, qu'il soit anglophone ou non.

Les distributeurs trouvent que c'est certainement plus facile de promouvoir un film à travers des catégories : " Oh, un film lesbien de Sundance, oh, une comédie de Miramax, oh, un couple de stars qui s'aiment dans un décor exotique et qui sont rattrapés par le tourbillon de l'Histoire, super, on sait vendre cela ! "… Si un film est vraiment de l'Art et non seulement un film d'art, il devrait au contraire non seulement innover dans ses thèmes mais aussi dans la manière dont il les traite et être capable d'aller où les autres films ne sont jamais aller.

Je ne pense pas que j'appellerais ce film un film d'art et essais, pas plus que je le qualifierais de western. Ce que nous avons essayé de faire, c'est de jouer avec ces catégories prédéfinies. Faire des choix tranquilles et sécurisants, ce que beaucoup de films font, c'est la mort du processus créatif.

Moira Sullivan