Après un bref aller-retour à Los Angeles pour recevoir le Golden
Globe de la meilleure actrice de comédie dans Moulin Rouge, Nicole
Kidman est de retour à Trollywood, c'est à dire Trollhattan en
Suède, où se tourne le dernier film de Lars Von Trier Dogville.
L'actrice australienne avait beaucoup hésiter avant de signer pour cette
coproduction européenne mettant en jeu des capitaux du Danemark, de Norvège,
de Finlande, de Suède, d'Allemagne, de Hollande, d'Italie et de France.
Le réalisateur danois, qui avait déjà eu des problèmes
de relation avec Björk sur Dancer in the Dark, avait menacé de
prendre une autre actrice avant que Nicole ne se décide à endosser
le rôle de Grace.
Même si Nicole est la première à en demander la raison,
une conférence de presse a été organisée pour donner
les premières infos sur le monde de Dogville. Les principaux acteurs
du film étaient là : Kidman, Lauren Bacall, Ben Gazzara, Philip
Baker Hall, Stellan Skarsgard, Chloe Sevigny et l'une des égéries
d'Ingmar Bergman Harriet Andersson. Tous étaient réunis à
"Trollywood", où les productions s'enchaînent. Cette
petite bourgade est en effet le lieu d'action de "Film I Väst" (Film
West), un organisme créé en 1990 pour aider les jeunes réalisateurs
dans le but d'établir une compagnie de production de films professionnelle.
La région où s'est installé Film West accorde aux tournages
toutes les facilités logistiques en leur pouvoir (fermeture des rues,
fourniture d'électricité...) Lars Von Trier a été
le premier réalisateur international à tourner à cet endroit
avec Dancer in the dark. D'autres cinéastes comme Lucas Moodyson
(Together et Show me love) ou Billie August (pour A Song for
Martin) ont suivi.
On sait peu de choses sur Dogville. L'histoire se passe dans les Rocheuses
dans les années 1930 et raconte une histoire de vengeance. Tout est tourné
en studio, en numérique, et nécessite la présence de tous
les acteurs et leur entière disponibilité. C'est pour cette raison
que toute la distribution vit comme une communauté. "Je suis très
contente de travailler avec Lars à ce stade de ma carrière",
déclare Nicole Kidman. "Mais nous ne tournons que depuis deux semaines.
Aussi je préfère attendre la fin du tournage avant d'émettre
le moindre commentaire. J'aime la neige et le fait que nous vivons tous ensemble,
dînons chaque soir ensemble. Cela contribue à créer une
atmosphère différente entre les acteurs et l'équipe technique."
Lauren Bacall est elle aussi enthousiaste. "Je n'ai jamais travailler
de cette façon-là. C'est libérateur de ne jamais savoir
si la caméra est sur vous ou sur un autre acteur" note la mythique
interprète du Grand Sommeil en faisant allusion au dispositif
multi-caméras que Von Trier utilise depuis Dancer in the dark.
Kidman apprécie également cette façon de travailler inhabituelle
: "Nous sommes en studio tous les jours. Et c'est très agréable
de vivre dans un endroit si calme, on peut travailler dans la sérénité."
Tous les acteurs sont logés dans un manoir suédois à Ronnum
on Vargön (Wolf Island). "Cela me permet d'être plus proche de mes
acteurs", précise Lars Von Trier. "Mais pas trop, Dieu merci
! Je tiens la caméra après tout." Ben Gazzara ne tarit pas
non plus d'éloges sur le Danois. "J'ai horreur des réalisateurs
trop directifs. J'adore travailler avec Lars car il me laisse libre. C'est l'idéal
pour moi en tant qu'acteur, je fais ce que je veux. Je me régale."
Von Trier confie que Dogville est la première partie d'une nouvelle
trilogie suivant celle consacrée aux "Curs d'Or" (Breaking
the waves, Les Idiots, Dancer in the dark) mais n'en dévoilera
pas le thème tant que le film ne sera pas fini. On murmure toutefois
que l'une de ses sources d'inspiration serait la chanson Pirate Jenny
de Bertold Brecht.
Le cinéaste nous fait aussi part de son inquiétude à propos
de la hausse de l'extrême droite au Danemark et ajoute : "La plupart
de ce que je vois à la télé américaine ne me plaît
pas." On peut se demander pourquoi Lars Von Trier continue de situer ses
films aux USA qu'il n'a jamais visité (pour cause d'une incurable phobie
des voyages) et de les réaliser dans l'Ouest de la Suède. Mais
le cinéaste assure que les Américains seront intéressés
par cette façon de voir leur pays. On pourra juger leurs réactions
en mai. Car s'il est terminé à temps, le film fera sans doute
sa première mondiale à Cannes.
Moira Sullivan