Conversation avec François Truffart
Directeur et Programmateur de City of Lights, City of Angels à Los Angeles
Stephanie Ronnet : Quel est le processus de sélection ?
François Truffart : Le processus se déroule sur un an, à partir de Cannes. Donc on va procéder à la sélection de l’année prochaine dès ce mois de mai. Je vois les films à l’AFM (American Film Market), et à Paris au cours de projections de presse, ou organisées par des producteurs. Donc au total, je vois une centaine de longs-métrages et autant de courts.
SR : Peut-on envisager dans l’avenir, qu’un réalisateur émergent soumette son film à ColCoa ?
FT : Rien n’empêche à quiconque de nous soumettre un film. Nous sommes ouverts à cela. La règle étant que les films présentés à ColCoa doivent être sortis en France dans les 12 mois précédent le festival. Et éventuellement dans le cadre d’une Première mondiale, des films qui sortiront en salle à l’issue du festival. Comme cela a été le cas l’an passé avec « Nos Jours Heureux » (récipiendaire du Prix du Public ColCoa 2006).
SR : Quel est le public de ColCoa ?
FT : Il n’y’a pas d’étude qui a été faite, et c’est un projet que j’ai justement pour l’an prochain. Il faut néanmoins savoir que seuls 30% des billets sont accessibles au grand public, les 70% restants sont constitués des professionnels de l’industrie invités par le festival -- des producteurs, des membres des Guilds (DGA, WGA…), qui produisent ColCoa, des réalisateurs, distributeurs, exploitants, agents, journalistes, directeurs de festivals (Palm Springs, Santa Barbara etc). Donc par rapport à cette logique d’invitation, on a une répartition à peu près similaire entre les spectateurs Français et Américains. C’est à dire, 70% d’ Américains et 30% de Français. Cette répartition permet également aux distributeurs de tester les films en salle. Ils peuvent notamment au travers du vote et donc du Prix du Public avoir une idée de ce que les Américains apprécient.
Par ailleurs, sociologiquement, on remarque que la moyenne d’âge est relativement élevée. On communique beaucoup dans les écoles, les lycées, et l’on propose des billets à 5 dollars pour le ColCoa, incluant le parking et les panels aux moins de 21 ans. L’un de nos objectifs est de baisser la moyenne d’âge, et naturellement de renouveler les générations du cinéma français.
SR : Les réactions du public étant un baromêtre privilégié, cela permet-il d’identifier une tendance du marché ?
FT : C’est une question fondamentale…
SR : Pour préciser ma question -- Au début du festival, Thomas Gilou pensait ses films trop « franco-français » pour séduire le public américain. Or je pense qu’au contraire le public américain attend précisément cette « exception » qu’offre notre cinéma. J’en veux pour preuve, l’acclamation qu’il a reçu après la projection de Michou d’Auber. Un film profondément français
FT : Je voudrais justement préciser que je choisis les films aussi pour témoigner de la diversité de notre cinéma, et montrer que ce n’est pas simplement un cinéma d’auteur. Il est aussi très divertissant et compréhensible par un large public. Le cinéma français a une vraie dimension universelle. Donc on montre de tout en considérant que tout le monde peut y trouver son compte. Et pour en revenir à la question, je pense que cette cette idée d’universalité naît du fait que les gens recherchent aussi des films très « exotiques ». C’est à dire très – francais – On en a encore la preuve aujourd-hui avec le Prix du Public décerné au film de Claude Berri : Ensemble c’est tout – qui est une film éminement français, dépeignant des comportements français qui n’ont rien à voir avec l’Amérique. Pourtant le film parle de choses très universelles, donc tout cela n’est pas du tout antinomique.
SR : Quelle est la journée type de la « Délégation Française » ? (réalisateurs, scénaristes, producteurs venus accompagner les films projetés durant ColCoa).
FT : Ils ont un programme en dehors des projections. Lequel est essentiellement axé sur des rencontres professionnelles. On a inauguré cette année une série de petits-déjeuners, auxquels nous convions des agents, des producteurs, des réalisateurs, des journalistes, des distributeurs… L’idée, c’est de pouvoir vendre les films, mais également de négocier les droits de remake, et éventuellement de financer les projets futurs.
SR : Il y’a 6 ans, vous étiez attaché audiovisuel auprès du Consulat de France à Los Angeles, avez-vous observé une évolution, y’a t-il une curiosité plus marquée des professionnels de l’industrie aux Etats-Unis ?
FT : Tout à fait. C’est clair. Notre communication sur Variety reflète cela au travers du slogan « We have an audience for you » (il y’a un public pour vous). Nous avons voulu faire en sorte que les professionnels viennent, et ils sont venus en nombre cette année. Bien plus que les années précédentes. Cela relève de notre visibilité accrue et de nos exclusivités sur le territoire. Certains distributeurs ont déjà vu les films, mais ils viennent les revoir en présence du public, et dans des conditions de salle pleine. Ce qui est quand même assez rare. Il y’a un vrai intérêt des professionnels, et la programmation le prouve, puisque 25% des films projetés ont été achetés par des distributeurs américains. Lesquels ont utilisé ColCoa pour la Première de leurs films, de façon à créer un buzz. La Vie en Rose, Hors de Prix, Flandres, Paris je t’aime, La Raison du plus Faible, sortiront prochainement en salle.
BIO :
Une fois son diplôme de Sciences Po en poche, François Truffart est affecté en Hongrie, au Japon puis aux Etats-Unis (Los Angeles), en qualité d’attaché audiovisuel au sein de consulats français. Son rôle y est de promouvoir le cinéma hexagonal. Il devient ensuite Directeur de Cinéfondation au Festival de Cannes et représente son marché sur le territoire américain. Au travers de sa société Sorry Angels, François Truffart est également consultant. En 2004, il fonde à Tokyo le label de musique japonais “Cinemania 35”. Il préside à la programmation de ColCoa pendant 3 ans avant d’en prendre la direction en 2007.
Stephanie RONNET