Compte rendu
du Festival du Film Policier de Cognac
5 - 8 avril
2001
La question
qui arrive le plus souvent aux oreilles du festivalier de retour de Cognac
se résume par cette simple sentence : Alors, tu as passé de bonnes vacances
à Cognac ? Et la réponse que le dit festivalier, bien que les traits tirés
par le travail harassant de quatre jours non stop de projections, interviews,
petit-déjeuner, déjeuner, goûters, apéros, dîner, fêtes, boîtes..., s'autorise
à donner à ses camarades se résume par un simple regard plein de satisfaction
et certainement empli d'une réelle dose de Pineau des Charentes.
Donc le cru 2001 ne faillit pas à cette règle et tous les ingrédients étaient
encore au rendez-vous cette année pour faire de cet événement l'un des plus
agréables de l'année festivalière française tant au niveau qualitatif (films,
nourriture, accueil, Cognac...) que quantitatif (films, cognac, nourriture,
cognac, personnalités présentes, cognac...).
Et cette année qui précède le vingtième anniversaire qui promet d'être un
véritable feu d'artifice, était forte en événements et en émotions.
La première soirée était marquée par l'hommage rendu à Jeff Bridges, très
content et étonné par cette ville où il pleut tout le temps mais où le soleil
se pointe quelques fois dans la journée faire une apparition très remarquée
et inopinée. Le film diffusé en ouverture, Manipulations, qui nous
montre un Jeff Bridges président des Etats-Unis empêtré dans le choix d'un
nouveau ou plutôt ici d'une nouvelle vice-présidente, est typiquement pro-américain
empreint de bons sentiments et de grandeur d'âme. Les méchants, Gary Oldman
incroyablement méconnaissable, sont vraiment méchants et les gentils, Joan
Allen en tête, sont décidément les plus gentils. Mais dans ce monde digne
d'un épisode de Casimir, la seule manipulation possible pour le spectateur
est celle qu'il est obligé d'infliger à sa montre pour ne pas être tenté de
regarder l'heure à chaque minute du film. Et la fin est digne d'Independance
Day qui dans le domaine du patriotisme et des bons sentiments américanophiles
se plaçait là. On pensait ne plus jamais voir un tel degré d'autosatisfaction
et bien depuis quelques jours nous sommes démentis.
La soirée d'ouverture fut traditionnellement suivie par le dîner de gala à
la mairie de Cognac et, là, les mauvais souvenirs du film dont on ne se rappelle
déjà plus du titre, s'estompent progressivement dans un halo de Pineau.
Lendemain de fête, mal à la tête mais toujours frais et dispos pour enfiler
les projos ...
Première journée marquée par la présentation de Chopper
d'Andrew Dominik, basé sur la vie de Mark Chopper, criminel atypique, hyper
médiatisé, auteur de best seller, personnage trouble et attachant, inquiétant
et dévastateur. Andrew Dominik a composé un film violent et froid, un pavé
acéré dans la mare de sang de la criminalité australienne. Mais par certains
côtés son personnage apparaît attachant, avec un humour à froid dévastateur
(c'est la cas de le dire), une façon hilarante de s'excuser après avoir commis
le pire . Et cela n'est certainement pas un hasard si le comédien principal,
Eric Bana, est un comique très apprécié au pays des kangourous.
La soirée a été marqué par l'hommage rendu à James Grady, écrivain reconnu
notamment pour avoir écrit Les Six jours du Condor qui, après suppression
de trois jours, a donné le film de Sidney Pollack, Les Trois jours du Condor
avec Faye Dunaway et Robert Redford.
Les festivaliers, après avoir visionné le troisième film en compétition, The
Hole, se sont rendus à la soirée organisée par la télévision partenaire
du festival, 13ème rue. Cocktail dinatoire, danse endiablée, cognac débridé
et beuverie concertée et totale au rendez-vous.
Et ce ne sont pas les différents jury qui me contrediront. Et puisque nous
parlons des jurys, signalons que le festival de Cognac est réputé pour avoir
un nombre de personnalités dans ses différents jurys qualifiée "d'impressionnante
". Le jury long métrage avec John Badham à sa tête, entouré par Antoine de
Caunes et sa compagne Elsa Zylberstein, Aure Atika, Catherine Jacob, Francis
Huster, Gilbert Melki, Pierre Palmade, Melvil Poupaud, Bernard Rapp, grand
vainqueur de l'année passée avec Une affaire de goût et Tim Roth, malheureusement
excusé en dernière minute composaient le principal jury de cette année.
Les mêmes films ont été également jugés par un aréopage de policiers français,
anglais et américains qui gardent un excellent souvenir de ce festival où
l'alcootest est resté très discret. Les films de la sélection sang neuf, qui
se situent un peu en marge du genre, sont jugés, là aussi, par un jury en
marge. Une sélection de journalistes se sont chargés de visionner et récompenser
les films de cette catégorie : Claude Sérillon, Valérie Expert, Charles Villeuneuve
et Philippe Dana ont délibéré sous la houlette de leur président d'un jour,
Jean-Pierre Dionnet tout étonné et content de présider une assemblée de journalistes
dont certains avaient été ou sont encore ses patrons.
Venaient s'ajouter à ces trois jurys, le jury court métrage présidé par la
sémillante Clémentine Célarié entourée de quelques jeunes talents : Vincent
Martinez, Jeremie Renier, Estelle Larrivaz, Alexia Stresi et Antoine Dulery.
Enfin le jury Téléfilm, présidé par le réalisateur Alain Tasma, se composait
notamment de Corinne Touzet, Charlotte Valandrey et Jocelyn Quivrin, jeune
qui monte depuis sa découverte dans Rastignac.
Voici pour le topo Jury qui, vous le voyez, est assez important.
La journée du samedi fut marquée par un événement très riche en émotions et
en surprises.
L'hommage du soir était dévolu à l'un des maîtres et même, osons, au maître
français du genre, je veux, bien sûr, parler de Claude Chabrol, président
à vie du festival de Cognac. Et pour cet événement le festival a mis les petits
plats dans les grands. Une douzaine de personnes étaient présentes sur scène
pour honorer leur ami de toujours. A commencer par le délégué général du festival
himself, Lionel Chouchan, visiblement ému, et qui a composé pour l'occasion
un texte à partir des titres des films de Chabrol, à la manière d'un Bruno
Masure du dimanche après-midi.
Mais Claude
Chabrol n'était pas au bout de ses surprises puisqu'il a vu monter sur scène
les uns après les autres, tout d'abord quelques personnalités déjà présentes
dans les jurys et qui ont tourné avec lui tels qu'Antoine de Caunes ou Philippe
Dana mais il a surtout vu arriver son fils, sa belle fille, deux de ses scénaristes,
Michel Duchaussoy, Robin Renucci, son ancien assistant Régis Wargnier, son
producteur de toujours Marin Karmitz, Caroline Cellier, Isabelle Huppert,
Jean Yanne et comble de l'humour, son médecin personnel, qui chacun, ont déclaré
leur amour à leur réalisateur préféré. Robin Renucci, venu directement de
Corse, en a profité pour lui ramener des produits régionaux tandis que Bernard
Giraudeau, absent, s'est excusé en lui offrant des pieds de porcs surmontés
d'une magnifique bougie.
Après une longue standing ovation, Chabrol avec son légendaire aplomb et son
extraordinaire humour, a déclaré que malgré son manque total d'égo et sa force
légendaire, il avait du mal à contenir son émotion, tout comme l'ensemble
du public à ce moment-là.
Le film présenté ensuite a permis au public d'accueillir sur scène une des
personnalités les plus attachantes de ce festival avec notre Claude Chabrol
national, je veux parler de Carmen Maura, venue pour présenter le film de
Alex de la Iglésia, La Communidad. Inquiète avant la projection de
savoir si le public français allait comprendre et ressentir l'humour espagnol,
elle fut rassurée au vu de l'accueil frénétique de ce dernier après la séance.
Cette soirée s'est terminée comme de bien entendu autour d'un repas dans un
lieu indiqué pour l'occasion : une distillerie. Et pour le public, moins chanceux
pour le coup, elle s'est terminée par la projection du dernier film mettant
en scène l'inusable Steven Seagal qui lui aussi a du distillé quelques coups
de ci de là ...
Le dernier jour, toujours un peu plus triste que les autres, vu la fin proche
des libations, a accueilli le traditionnel palmarès. Le palmarès est toujours
une période de stress pour de nombreuses personnes : les réalisateurs présents
bien sûr, qui se demandent s'ils vont monter sur scène mais aussi les journalistes
qui se demandent s'ils ont interviewé les bonnes personnes, les organisateurs
qui espèrent que la traduction de l'australien vers le français, si le film
Chopper gagne, va bien se passer, le traducteur lui-même qui révise
les bases de l'accent australien, le réalisateur australien qui s'entraîne
à parler lentement, le public australien qui retient son souffle et moi qui,
assis à ma place, attend que quelque chose se passe ...
Et ce qui devait arriver arriva puisque le grand prix alla directement dans
l'escarcelle de Chopper d'Andrew Dominik dèjà auréolé quelques minutes
auparavant du Prix de la Critique. Et la traduction, malgré quelques hésitations,
se déroula dans le calme même si, Antoine de Caunes voulu montrer, sans succès
je précise, sa supériorité en matière de compréhension de la langue australienne.
Carmen Maura put savourer encore plus l'accueil du public français en repartant
de Cognac avec le Prix Spécial du Jury et le Prix des Lecteurs de Ciné
Live. Et les journalistes de FilmFestivals.com pourront repartir de Cognac
le cœur léger avec, en poche, les interviews des lauréats.
Le palmarès s'est terminé en soirée disco sur la scène du théâtre en hommage
à John Badham, réalisateur de la cultissime Fièvre de Samedi Soir et
le public s'est mis à danser pendant quelques minutes, accompagnant le jury
déchaîné.
Et c'est après un diner de clôture dans les murs du château François 1er que
les festivaliers se sont quittés à regret en se promettant de remettre le
couvert pour fêter l'année prochaine le vingtième anniversaire du festival
autour d'un Cognac-Schwepps, boisson incontournable dans les rues de Cognac.
V.I.P avec la participation de Frédéric Leconte
Palmarès
Complet :
Grand
Prix du Jury :
Chopper
d'Andrew Dominik
Prix Spécial du Jury :
La Communidad d'Alex de la Iglesia
Prix du Jury Sang Neuf :
Sleepwalker de Johannes Runeborg
Prix
Spécial Police :
The Hole de Nick Hamm
Prix
de la Critique :
Chopper d'Andrew Dominik
Prix des Lecteurs de Ciné Live :
La Communidad d'Alex de la Iglesia
Prix
Télépolar :
Brigade Spéciale : Un Jeu Dangereux de Charlotte Brändtröm
Prix du Court Métrage :
Tea Time de Philippe Larue
Prix
du Roman Policier :
Musique de Nuit de Bertrand Puard
Lire
aussi :
Présentation
du festival
Entretien
avec Andrew Dominik réalisateur de Chopper
Lire bientôt :
Entretien avec Carmen Maura, actrice de La Communidad
Entretien avec Claude Chabrol