Pierre Clémenti
Rétrospective

«Il y a en moi la volonté de ne pas me galvauder dans des films qui ne méritent pas d'être faits. J'ai découvert qu'on pouvait réaliser des images en toute simplicité, sans être passé par une école. Le cinéma underground a osé. Avec lui, on adaptait son art à ses moyens. J'ai toujours travaillé seul et je n'ai ruiné que moi-même. Si j'entrais dans une industrie, même très honnête, je serais obligé de faire des choses qui ne me plaisent pas. Il y aurait en moi quelque chose de mort.» (Pierre Clémenti)

Au moment où Pierre Clémenti tourne comme acteur Belle de Jour de Bunuel, et Benjamin de Michel Deville qui vont lui assurer un grand succès public, il achète une caméra Beaulieu 16mm et commence un journal filmé dans lequel il puisera la matière première de ses films.
L’œuvre cinématographique de Pierre Clémenti se compose de 5 films achevés, mais il reste encore d’innombrables bobines non montées au Musée National d’Art Moderne de Paris.

Jeudi 9 décembre à 20h :
LA REVOLUTION N’EST QU’UN DEBUT, CONTINUONS, 1968, 16mm, 30’
Premier film issu du journal filmé de Clémenti, La révolution mêle, par un travail de surimpressions, de caches et de filtres, les images de l’actualité politique de mai 68 aux images de ses amis, de sa femme et de son fils Balthazar.

A L’OMBRE DE LA CANAILLE BLEUE, 1988, 16mm, 81’
« Ayant réussi à maîtriser la technique et découvert toutes les subtilités de cette caméra géniale, je me lançai caméra à la main dans ma première fiction politique: A l'ombre de la canaille bleue, adaptant une nouvelle d'un ami poète tunisien Achmi Gahcem qui correspondait parfaitement au monde dans lequel nous vivions et qui fut mon acteur pour ce film.»*

Benjamin Flores

SOLEIL, 1988, 16mm, 16’
« Chant d'amour, chant de mort... Graffiti sur la chaux vive du Cœur... Soleil est né d'un spectacle théâtral... Il accompagna la mémoire visuelle d'un moribond qui durant trois jours de veillée funéraire revoit certains épisodes de sa vie.(..) »*

Samedi 11 décembre à 22h :
VISA DE CENSURE N°X, 1967-1976, 16mm, 55’
« Rencontre de l'image et des pulsions psychédéliques colorées de cette époque acidulée.... Désir de retrouver le chant des origines, images qui s'inscrivent jusqu'à nous comme un double et qui nous font signe. A tâtons, à tatoum... dans la chambre noire aux idées multinationales, je frémis et je balbutie. Cinéma du dedans et du dehors, du derrière et du dedans... Face au miroir magique aux multiples visions, je retrouve le fil de ma mémoire et entrouvre en un instant l'album de famille, de naissance et de mort.»*

NEW OLD OU CHRONIQUES DU TEMPS PRESENT, 1979, 16mm, 63’
« Chronique de cette fin de siècle... Témoignage de ma vie, forme de journal sur mes activités d'acteur avant et après 1973. Documents sur la création, le quotidien, suite d'ébauches et de croquis chaotiques qui allaient donner naissance avec le temps à ma première fiction politique, A l'ombre de la canaille bleue.»*

* extraits des commentaires rédigés par Pierre Clémenti sur ses propres films en avril 1999, à l’occasion de la rétrospective du cinéma d’avant-garde en France organisée par la Cinémathèque française

Naissance d’un poète (1957-1960)
du jeudi 9 au samedi 11 : exposition de dessins et poèmes inédits de P.Clémenti
Samedi 11 à 00h00: diffusion de pièces radiophoniques écrites et lues par P.Clémenti, en présence d’André Almuro

En 1957, André Almuro, compositeur et producteur à l’ORTF, rencontre Pierre Clémenti : celui-ci n’a que 15 ans, il sort de maison de redressement et écrit des poèmes furieusement chargés de révolte. Ces textes, lus par Clémenti lui-même, seront alors diffusés dans le cadre des émissions radiophoniques d’Almuro entre 1957 et 1960. Parallèlement, dessin et peinture deviennent pour Clémenti une activité permanente, au même titre et à la même cadence que les poèmes, quotidiennement, compulsivement, sur tous supports (imprimés de télégrammes, feuilles volantes, tickets de cinéma, nappes de restaurant).
A l’occasion de la rétrospective, André Almuro présentera des œuvres de jeunesse, poèmes et dessins, de Pierre Clémenti, donnant ainsi à voir et à entendre les prémisses de la puissance créatrice de l’artiste.

« Le cinéma expérimental contre la mort »
Carte blanche (ou plutôt noire) à Dominique Noguez

vendredi 10 décembre à 20h

Frénétique ou paisible, positif ou négatif, en noir ou en couleur, muet ou hurlant, avec ou sans sexe, avec ou sans caméra, le cinéma expérimental est une belle façon de faire la nique à la mort. Le prouveront, non sans gaieté parfois, les films suivants :

SOUVENIRS BOURGES, Teo HERNANDEZ, 1981, Super 8, 14’
« Et voilà Bourges. C’était le 31 mai 1981, et je m’y trouvais invité par Dominique Noguez au festival de Musique et de Cinéma Expérimental de Bourges. Pendant quatre jours j’ai filmé la ville. Sans souci documentaire, telle qu’elle se présentait à moi. Le film débute dans une foire. Il semble habité et se dégager du film précédent. Après, il s’éloigne avec sa propre démarche. » (T.Hernandez)

trois CINÉMATONS, Gérard Courant, Super 8, 3 fois 3’55’’
Teo Hernandez (n° 481) Marie-Pierre Gauthier-Houellebecq (n° 953) Dominique Noguez (n° 71)
Cinématons est une série cinématographique de portraits filmés montrant une personnalité des arts, de la culture, de la politique ou du spectacle, en un seul gros plan fixe et muet, dans lequel elle est libre de faire ce qu'elle veut.

UNA VITA, Dominique NOGUEZ, 1984, 16mm, 8’
De la plus tendre enfance à la mort, et vice versa, ce que représente une vie qui file à toute vitesse et en photos.

J’AIME QUAND TU DANSES, UNGLEE, 2002, vidéo, 3’43
avec Tristan Petitgirard
Il reste impassible tandis qu’un homme et une femme lui déclarent leur amour.

PARCE QUE, UNGLEE, 2003, vidéo, 4’24
avec Stéphane Lamouche et Laura Préjean
Ils s’aiment, non pas pour une raison, mais pour soixante quinze, et ils nous le disent, et ils se le disent.

MICHEL J, Gérard CAIRASCHI, 2002, DV , 9’
Michel J est constitué d'une série de portraits extraits d'une vidéo réalisée lors de l'office religieux célébré pour la mort de Michel Journiac en octobre 1995. Elle est la mémoire de cette messe, la représentation d'un rite, un travail au départ vidéographique qui, en passant par la photographie, aboutit à la peinture, à la picturalité par des références multiples à l'histoire de l'art, à la peinture classique et moderne.

SPACY, Takashi ITO, 1981, 16mm, 9’
Un film dont le sujet est l’espace (un gymnase), le temps (les 10 minutes que dure le film), et la non-conformité de la réalité (le gymnase) et de l’illusion (la représentation du gymnase). Tous ces ingrédients sont rigoureusement combinés en une série sans fin, une bande de Mœbius, un film d’Escher au tempo japonais, du lent au plus rapide, du pianissimo au fortissimo.

CONCERTO POUR ALOUAL, Stéphane MARTI, 1982, Super 8, 20’
Sixième film qui célèbre Aloual, acteur fétiche, perle noire, « prima dona », à la fois double, miroir et complémentaire dans cette relation privilégiée du corps filmé au corps filmant. Aloual grâce auquel s’ouvrent tous les possibles du jeu de l’acteur dans le cinéma expérimental de l’auteur.

Les projections seront entrecoupées par la lecture, lugubre ou enjouée, de brefs extraits d’Ouverture des veines et autres distractions de Dominique Noguez et de L’Embaumeur, son dernier roman.

Biographie Dominique Noguez
Né en 1942 à Bolbec (Seine-Maritime). Normalien et philosophe spécialisé en esthétique, auteur de livres sur le cinéma (Éloge du cinéma expérimental, rééd. Paris Expérimental, 2000) ou la littérature (Le Grantécrivain & autres textes, Gallimard, 2000) et d’entretiens avec Marguerite Duras, il est aussi romancier : prix Femina en 1997 pour Amour noir (Gallimard); Grand Prix de l’humour noir en 1999 pour Cadeaux de Noël (Zulma). Son dernier roman, L’Embaumeur, vient de paraître chez Fayard.